乔治·梅里爱(Georges Méliès)

这是一篇由乔治·梅里爱的女儿玛德莱娜·梅里爱写的梅里爱生平,发表于1961年,是对梅里爱早期创作较有说服力的文章,有兴趣的朋友可以搜藏。


月球旅行记,1902

INTRODUCTION
Le regard malicieux de ses yeux verts, sa barbiche soigneusement taillée en pointe tous les matins, son activité inlassable qui le poussait à dessiner sans arrêt dans son lit d’hôpital, les fous rires qu’il faisait naître chez son voisin de chambre, tout cela pouvait faire croire qu’il était invulnérable, comme le Diable qu’il avait si souvent mis en scène et incarné dans ses films. Pourtant. Georges Méliès s’éteignit le 21 janvier 1938, courageusement comme il avait vécu, sans se plaindre, après 77 années d’une vie prodigieuse et bien remplie.

En 1929, René Jeanne écrivait dans Ciné-Magazine:« S’il était Américain, G. Méliès vivrait dans l’opulence et entouré, comme Edison, de la considération respectueuse, orgueilleuse et un peu superstitieuse de tous ses concitoyens. Comme il est Français, nul ne le connaît et il est obligé, pour vivre, de tenir une boutique de jouets et de confiserie dans une gare parisienne de la rive gauche »… Le journaliste ne manquait pas d’optimisme, car la mort à l’hôpital dans le plus grand dénuement de D.-W. Griffith et de Mack Sennett est là pour prouver que la tradition est mondiale, comme en témoignent chez nous Emile Reynaud et Emile Cohl.

Qui se souvenait de Méliès, hors ceux de sa génération ? Seul, Blaise Cendrars avait proclamé, vers 1920, l’importance « magique » du « Voyage dans la Lune ». L’année 1929 marqua le début d’une vaste campagne de « résurrection » de Georges Méliès que certains croyaient mort depuis la guerre de 1914. Ce furent d’abord Léon Druhot, directeur de Ciné-Journal, Maurice Noverre, Paul Gilson, André Robert et Jean Mauclaire, qui écrivirent des articles retentissants sur Méliès. Puis, le 16 décembre 1929, un grand gala fut organisé par le « Studio 28 » avec le concours de « l’Ami du Peuple » et du « Figaro » à la Salle Pleyel. En Octobre 1931, le Ministre des Beaux-Arts. M. Mario Roustan lui remit la croix de Chevalier de la Légion d’Honneur et Louis Lumière fut son parrain. Enfin, en 1932, vint le repos bien mérité au Château d’Orly, propriété de la Mutuelle du Cinéma, Georges Méliès et sa femme quittèrent la gare Montparnasse, ses courants d’air et le magasin de jouets où ils se tenaient de 7 heures du matin à 10 heures du soir dimanches compris…

Comment Georges Méliès, qui avait dominé l’industrie cinématographique mondiale, en était-il arrivé là ? Après quelles aventures et revers de fortune ? C’est ce que nous allons essayer de comprendre.

Il y avait jadis à Lavelanet, en pays d’Oulmes (Ariège), dans ce Comté de Foix encore teinté de catharisme, un foulonneur de drap, métier exercé depuis prés de 2.000 ans dans cet important centre textile. Ce foulonneur de drap, François Méliès, eut plusieurs fils dont l’un, Jean-Louis Stanislas né en 1815, voulut voir le monde et entreprit son Tour de France de Compagnon-Cordonnier-Bottier sous le nom de « Carcassonne l’Ami du Courage ». Il s’installa à Paris découvrit un procédé nouveau pour piquer les tiges de bottines à la machine, ouvrit un atelier, 29 boulevard Saint-Martin et fit rapidement fortune. Il épousa, en 1843, une Hollandaise, fille du bottier de la Cour de La Haye. Leur usine ayant été détruite par un incendie, ils ne voulurent pas se montrer ruinés à ceux qui avaient connu leur fortune et vinrent s’installer à Paris. La jeune Hollandaise, Catherine Schueringh, avait reçu une excellente éducation ; elle apprit à son mari à diriger son usine et l’aida à s’instruire.

Ils eurent trois fils, Henri, Gaston, et Georges qui naquit le 8 décembre 1861, boulevard Saint-Martin, à Paris. Il fit ses études au Lycée Impérial de Vanves, puis au Lycée Louis-le-Grand, où il fut le condisciple de Maurice Donnay. L’un écrivait des vers, l’autre crayonnait sans cesse. Georges Méliès faisait des caricatures très réussies de ses camarades et de ses professeurs, particulièrement du professeur de mathématiques, matière pour laquelle il ne se sentait aucune disposition. Celui-ci vint un jour se pencher sur son portrait que son mauvais élève était en train de faire en cachette. Qu’allait-il se passer? «Si ce dessin avait été mauvais, je vous aurais mis à la porte Monsieur Méliès mais je le trouve excellent et je le garde… ». Et l’histoire en resta là.

SA FAMILLE ET SA JEUNESSE
Georges Méliès fut reçu au Baccalauréat en 1880 et partit à Blois en 1881 pour faire son service militaire. Il alla ensuite, en 1884, passer une année en Angleterre où son père l’avait envoyé chez un de ses amis, propriétaire d’un grand magasin de confection. Les vendeurs firent au «petit Français» à l’accent épouvantable la mauvaise plaisanterie de le placer au rayon des fournitures pour corsets et de le laisser se débrouiller avec les clientes. C’était parfaitement « shocking » et le pauvre garçon n’en finissait pas de rougir et de bafouiller… Comme il ne comprenait pas suffisamment l’anglais pour s’intéresser aux pièces de théâtre, il se mit à fréquenter la salle de 1’« Egyptian Hall » dirigée par Maskeline, célèbre illusionniste, et il y étudia la prestidigitation. Il revint à Paris avec l’intention d’entrer aux Beaux-Arts et de devenir peintre. Son père s’y opposa formellement et il dut entrer dans la maison de chaussures paternelle. Il s’occupa surtout des machines de l’usine, de leur perfectionnement et de leurs réparations et c’est là qu’il acquit cette habileté de mécanicien qui devait lui être si utile plus tard. Il refusa cependant de s’associer à ses deux frères lorsque son père se retira des affaires. Consacrant la part qui lui revenait à l’achat du théâtre Robert Houdin.

En 1885, il épousa une jeune fille d’origine hollandaise. amie de la famille de sa mère qui lui apporta une fort belle dot. A cette époque, il donnait des séances de prestidigitation à la Galerie Vivienne et au Cabinet Fantastique du Musée Grévin, il fabriquait aussi des automates. Il fréquentait assidûment le Théâtre d’Illusions situé 8 boulevard des Italiens, au premier étage. Ce théâtre avait été créé par Robert Houdin, en 1852, et il appartenait à Madame veuve Emile Robert-Houdin (bru du célèbre magicien). Lorsque celle-ci mit le théâtre en vente, en 1888. Méliès en fut aussitôt acquéreur.

LE THEATRE ROBERT-HOUDIN
Georges Méliès avait déjà cette activité débordante qui le caractérisa toute sa vie et une grande puissance de travail. Il était en même temps, en 1889-1890, directeur du Théâtre Robert-Houdin et, sous le pseudonyme de Géo Smile, journaliste et dessinateur au journal satirique anti-boulangiste « La Griffe » dont son cousin, Adolphe Méliès, était le rédacteur en chef. Il dit lui-même à ce propos: « Si ce dernier (le général Boulanger) avait réussi, je risquais pour le moins l’exil, car je fis du « brav’ général », comme l’appelait le chanteur populaire Paulus, dévoué à sa cause, des quantités de caricatures mordantes qui couvrirent de ridicule le candidat-césar ».

Son imagination créatrice lui permettait de présenter au Théâtre Robert-Houdin de véritables petits spectacles avec décors, costumes et scénario, consacrés à la magie blanche et à l’illusionnisme comme « La Stroubaïka Persane » ou « Le Décapité Récalcitrant ». Déjà, ses programmes portaient l’indication : « Décors, machinerie, scénario et trucs de M. Georges Méliès » qui va se retrouver plus tard dans les catalogues de ses films. C’était surtout Monsieur Legris qui présentait ces tours avec l’aide du servant de scène Marius et du machiniste Eugène. Contrairement à ce qui a été dit bien souvent, Georges Méliès ne paraissait pas lui-même sur la scène du Théâtre Robert-Houdin. Il se contentait d’en être le directeur et le metteur en scène. Il avait fondé, en 1891, l’Académie de Prestidigitation, qui devint en 1904 la Chambre syndicale de la prestidigitation dont il assuma la présidence pendant trente années consécutives. De 1890 à 1896, il consacra tout son temps au Théâtre Robert-Houdin qui se trouvait à l’actuel emplacement du carrefour Richelieu-Drouot et qui fut démoli en 1924 pour permettre le percement du boulevard Haussmann.

Les représentations de magie et d’illusionnisme s’y terminaient régulièrement par la projection d’une série de vues photographiques coloriées sur verre. Aussi, lorsque le 28 décembre 1895, Méliès fut invité par les Lumière à la première représentation du Cinématographe, il vit aussitôt le parti qu’il pourrait tirer de cette invention pour en faire un spectacle. Mais Antoine Lumière, père d’Auguste et de Louis, lui en refusa l’achat. Plein de dépit. Méliès chercha puis construisit sa première caméra. Dès le 5 avril 1896, il projetait ses premiers films au Théâtre Robert-Houdin. C’étaient des petites scènes de plein air reproduisant les mêmes sujets que les premières vues de Lumière. Puis il changea très vite de genre.

LE PREMIER STUDIO DU MONDE
Tous ses films étaient tournés en plein air ; on devait attendre le soleil, craindre la pluie. Les commandes affluant, il fallait songer à tourner tous les jours, quel que soit le temps. Méliès s’inspira des ateliers de photographie et de l’usine de chaussures paternelle. Il fit construire, le premier, à la fin du mois de septembre 1896, une grande salle vitrée de tous côtés au milieu du jardin potager de sa propriété de Montreuil-sous-Bois. Il s’était adressé à un menuisier du pays, mais lorsque la carcasse fut en place, il constata que la charpente était trop légère. Il fit doubler tous les supports par une charpente de fer. La construction coûta 80.000 francs, somme énorme pour l’époque, surtout pour les débuts d’une industrie dont on ignorait l’avenir…

Il faut citer ici Maurice Noverre qui a fait une étude complète sur le studio de Montreuil-sous-Bois, dans son numéro du « Nouvel Art Cinématographique » de juillet 1929 : « L’atelier fut parqueté, les parois garnies de verres dépolis sur toutes les faces et au-dessus. excepté trois travées (en avant de la scène) qui reçurent du verre simple, transparent, pour les cas de lumière solaire insuffisante. Ces travées furent d’ailleurs complétées par des volets mobiles composés de châssis garnis de toile à calquer permettant d’aveugler les rayons solaires gênants. Un ingénieux système de cordages et de poulies permettait à un seul homme, en tirant sur un câble qui les réunissait tous, de fermer ou d’ouvrir instantanément les châssis. En tirant sur ce câble, ils montaient se plaquer contre la toiture: en le lâchant, ils s’ouvraient par leur poids… Derrière la scène fut construite une petite loge (4 m. x 5 m.) pour les artistes, peu nombreux dans les films du début. Cet atelier primitif était orienté de façon à recevoir la lumière face à la scène, de 11 h du matin à 15 h… Lorsqu’il s’agissait de ce qu’on appelle aujourd’hui des gros plans, ils n’étaient pas photographiés à part. L’artiste s’avançait lentement vers l’appareil en sortant des limites du tableau, tracées à la craie sur le sol, et s’en approchait assez près pour que sa tête touchât presque le haut du tableau… Au bout de très peu de temps, Méliès fit creuser, à l’emplacement réservé à la scène, une fosse de 3 mètres de profondeur, sur toute sa surface, avec rues, trappes, mâts à décors, tampons ascendants pour les apparitions, trappes en étoile, trappes dites « tombeau » et treuils placés hors du studio, trop étroit alors pour les mettre à l’intérieur ».

Ce premier studio, achevé en mars 1897, long de 17 mètres, large de 7 mètres, se trouvait dans le jardin de la propriété que Méliès possédait au 74 bis, boulevard de l’Hôtel-de-Ville (plus tard avenue Wilson) et 1 et 3, rue François-Debergue, à Montreuil-sous-Bois. Méliès appela cette construction « atelier de prises de vues cinématographiques ». A propos du titre de « premier studio du monde », il est bon de noter que d’autres ateliers furent antérieurs à celui de Georges Méliès, entre autres la « Black Maria » d’Edison, à West Orange, aux Etats-Unis. Mais le studio de Montreuil fut le premier à posséder une machinerie complète uniquement créée en vue de la réalisation de films avec mise en scène, scénario, acteurs et décors. Les inventions précédentes représentaient des étapes dans la marche vers le cinématographe et les studios antérieurs étaient des cabines expérimentales. Georges Méliès fut le premier à construire un atelier de prises de vues pour y réaliser des films destinés à être projetés en spectacle public.

LES CREATIONS DE GEORGES MELIES
C’est dans ce studio, et dans un second construit en bordure de la rue Galliéni en 1905 que Georges Méliès tourna environ 500 films, les premiers n’ayant que 17 ou 20 mètres, et les derniers de 600 à 800 mètres de longueur. Au début, Méliès avait eu un associé, Reulos, dont il se sépara à la fin de 1897. En 1898, sa maison de production, la « Star-Film », dont la devise était: « Le monde à la portée de la main », édita seulement une trentaine de films, contre 54 en 1897 et 78 en 1896. En 1899, il présenta sa première grande féerie « Cendrillon ».

Dans les premiers mois de 1897, il fit un essai de prises de vues à la lumière artificielle pour filmer le chanteur Paulus, son ancien adversaire de la période boulangiste. Il employa pour cela l’arc électrique qu’il utilisait au Théâtre Robert-Houdin. Le chanteur y vint mimer quatre petits films : c’était ainsi le premier essai d’accompagnement synchronisé de la voix au geste. Méliès inventa, dés 1897, tous les truquages employés depuis lors sans interruption au cinéma: la surimpression, l’exposition multiple et les caches. Le truc par substitution lui fut inspiré par un incident qu’il raconte lui-même ainsi : « Un blocage de l’appareil dont je me servais au début produisit un effet inattendu, un jour que je photographiais prosaïquement la place de l’Opéra une minute fut nécessaire pour débloquer la pellicule et remettre l’appareil en marche. Pendant cette minute, les passants, omnibus, voitures, avaient changé de place, bien entendu. En projetant la bande ressoudée au point où s’était produite la rupture, je vis subitement un omnibus Madeleine-Bastille changé en corbillard et des hommes changés en femmes ». Les films à truquages et les féeries se succèdent alors sans interruption jusqu’en 1912. certains de ces films étaient coloriés à la main, image par image, par une centaine d’ouvrières placées sous la direction de Mademoiselle Thuillier et de Madame Chaumont.

Au début de son activité cinématographique, Méliès se heurta au refus des acteurs professionnels de paraître dans des vues. Pour eux, ce n’était pas un spectacle digne de leur talent. On employa donc toutes les bonnes volontés. Tout le personnel de Robert-Houdin, des voisins, des membres de la famille, les domestiques et le jardinier furent promus au rang de comédiens. Puis Méliès eut l’idée de s’adresser aux danseuses du Châtelet. Les danseuses de l’Opéra, ayant appris que le cachet était intéressant (un louis d’or et un excellent déjeuner), vinrent se faire inscrire à leur tour, puis les acteurs eux-mêmes finirent par se dire: « pourquoi pas nous? ». Mais les acteurs de théâtre avaient besoin d’une formation spéciale pour s’adapter au cinéma. Méliès dit lui-même : « Habitués à bien dire, ils n’emploient le geste que comme accessoire de la parole au théâtre, tandis que dans le cinématographe la parole n’est rien, le geste est tout… ». Dans la plupart de ses films, Méliès jouait le rôle principal, soigneusement grimé et méconnaissable. Il devait se trouver à la fois derrière la caméra pour diriger ses acteurs et sur le plateau pour se mêler à eux. Il adorait se costumer et incarner des personnages fort excentriques et fort différents les uns des autres. Il aborda tous les genres : documentaires, féeries, reconstitutions historiques, actualités reconstituées, vues de voyages fantastiques, opéras, drames, vaudevilles, publicités. Ecoutons-le dans une conférence qu’il fit en 1932 pour une société de publicité : « Une autre réclame où j’employais aussi la crème au chocolat comme dans la réclame Bornibus, pour inciter mon propre fils alors âgé de 5 ans, à manger avec ardeur un produit alimentaire qui ne lui plaisait pas plus que cela, fut celle d’une farine alimentaire très connue, dans cette vue, il y avait un enfant très malade, avec sa mère et un docteur qui venait visiter l’enfant. Le docteur déclarait que pour remonter le petit malade maigre et souffreteux, il lui fallait la fameuse farine K. On délayait la farine dans un bol, l’enfant en mangeait ; puis le docteur revenait un mois après et trouvait le bambin gros et gras comme le Bébé Cadum, en train de manger, avec amour, un plein bol de la merveilleuse bouillie. Mais le public ignorait que, dans le bol, nous avions substitué à la bouillie une excellente crème, bien sucrée, aussi l’enfant s’en barbouillait-il jusqu’au nez, avec un entrain des plus comiques ».

Dessinateur, décorateur, illusionniste, auteur de scénarii, metteur en scène et acteur, Méliès est chaque jour au studio de Montreuil dès 8 heures du matin. Il habite à Paris, rue Chauchat, et continue à diriger le Théâtre Robert-Houdin où il invente et réalise des trucs. En 1900, il fonde la première Chambre syndicale des éditeurs cinématographiques dont le siège social est au Théâtre Robert-Houdin. En 1908 et 1909, il préside les deux premiers Congrès Internationaux du Cinéma (France Italie, Angleterre, Russie, Allemagne. Etats-Unis. Danemark, seules nations produisant régulièrement des films à cette époque), au cours desquels il propose et obtient l’unification de la perforation du film. Le Congrès de 1909 décide alors de remplacer la vente des films par leur location, car à cette époque on ne louait pas les films, on les vendait au mètre. Chacun produisait selon ses goûts et vendait à son gré. Le cinéma en était au stade de l’artisanat. Méliès aimait à répéter : « le cinéma est intéressant parce qu’il est avant tout un métier manuel », Que peuvent en penser nos cinéastes actuels ?

DIFFICULTES FINANCIERES
En 1902 outré par le contretypage et la contrefaçon de ses films en Amérique, il ouvre à New-York, sous la direction de son frère Gaston, une succursale et des laboratoires, afin d’assurer par le copyright le respect de ses droits d’auteur. Avec Lumière et Pathé, il introduit le film français aux U.S.A. et se voit contraint, en 1908 de faire partie du trust Edison qui monopolisait l’industrie cinématographique de ce pays. Malheureusement, lorsque le cinéma commence à devenir véritablement une industrie, Georges Méliès, artiste et créateur avant tout, n’est pas de taille à lutter avec tous ces financiers. La location des films, qui commence à s’établir sérieusement en 1910, lui porte un coup terrible. Il n’est pas organisé pour ce genre de travail et cela fait brusquement tomber la vente de ses films. D’autre part, ses concurrents se tournent vers la nature, les documentaires, les scènes de plein air. Lui, s’obstine à rester claquemuré dans son studio et à ne montrer que des forêts peintes et des maisons en contre-plaqué. Il ne veut pas renoncer à ses féeries et à ses inventions. Il se laisse dépasser par la « nouvelle vague » des jeunes employés de Pathé et Gaumont, les Zecca, Nonguet, Velle, Heuzé et surtout Max Linder. En 1910, sa situation commence à devenir difficile. C’est alors que son frère Gaston qui dirigeait la Star-Film de New-York commet la faute, après avoir tourné un certain nombre de « westerns », de subir l’attrait du documentaire. Ce genre de film plaisait au goût d’une élite mais son succès auprès des foules n’était pas suffisant pour couvrir les frais engagés dans un grand voyage autour du monde. La succursale des U.S.A. doit fermer ses portes. A partir de 1911, Georges Méliès se lie à Charles Pathé et ses films sont désormais édités par ce dernier. C’était, la personne de Pathé mise à part, se mettre dans les griffes de l’homme qui l’avait tant jalousé et plagié, Ferdinand Zecca, metteur en scène attitré de la maison Pathé dans ses studios de Vincennes. Zecca, en effet. ne cessa de gêner la diffusion des films de Méliès, aidé par le fait que la mode évoluait vers des genres différents.

Méliès cessa toute activité cinématographique en 1913. C’est en mai de cette même année qu’il perdit sa femme et resta seul avec ses deux enfants, Georgette, née en 1888, dont je suis la fille, et André, né en 190I. Il ne pouvait disposer de ses fonds comme il le voulait à cause de la présence de son fils mineur dans la succession. Il se trouvait donc dans une situation financière extrêmement embrouillée lorsque éclata la guerre de 1914, Le Théâtre Robert-Houdin qui était devenu un cinéma avec séance de prestidigitation le dimanche seulement fut fermé dès le début des hostilités par ordre de la police.

LE THEATRE DES VARIETES ARTISTIQUES
Georges Méliès transforma alors le second de ses studios de prises de vues de Montreuil-sous-Bois en théâtre. Ce fut le théâtre des Variétés-Artistiques qui fonctionna de 1915 à 1923. Sa fille Georgette, qui fut d’abord une des premières actrices de cinéma, puisqu’elle débuta à 9 ans dans les premiers films de son père et qui fut probablement la première femme ayant fait des prises de vues et des projections, fut la directrice et l’animatrice de ce théâtre. Elle était répétitrice et cantatrice et chanta tous les premiers grands rôles lyriques (Manon, Thaïs, Hérodiade, la Tosca, Faust etc…) Son frère André, grand premier comique, dont la femme était également chanteuse et fit carrière à l’Opéra-Comique, son mari, le baryton Pierre-Armand Fix, et surtout son père, qui tenait les rôles les plus divers, l’entourèrent constamment. On y joua tous les genres de pièces: opéras, opéras-comiques, opérettes, drames, vaudevilles. Georges Méliès lui-même écrivit plusieurs revues qui furent jouées avec succès. On n’hésitait pas à monter des pièces à grande mise en scène ou à exhumer certains opéras tombés dans l’oubli ! Un jour, on affiche « Paul et Virginie » de Victor Massé, avec un orchestre de quatre musiciens et de beaux décors peints « à la maison », Le public montreuillois boude un peu et on escomptait un triomphe, qu’à cela ne tienne! Méliès fait des affiches sur lesquelles on peut lire: «pendant le deuxième acte, la Bamboula sera dansée par Méliès Père et Fils »… « Paul et Virginie » attirent les foules… Pour « Hérodiade », Méliès avait fait un ravissant décor où l’on voyait au loin briller toutes les lumières d’Alexandrie. Au lever de rideau du second acte, le public applaudissait spontanément chaque soir. Tous les décors faits par Georges Méliès et son fils étonnaient les spectateurs par leur fraîcheur, leur beauté et leur inspiration poétique. Deux petites filles, l’une, fille d’André, l’autre, fille de Georgette, vinrent agrandir la famille qui était heureuse, unie et vivait sans trop de soucis. Mais un créancier, un seul, qui n’appartenait pas à la corporation cinématographique, engagea des poursuites et fit prononcer par le Tribunal l’ordre de vente de la propriété de Montreuil-sous-Bois. Le tout fut cédé pour une somme dérisoire. On peut imaginer le chagrin de Georges Méliès lorsqu’il lui fallut quitter la propriété familiale et qu’il vit emporter par les brocanteurs tout le matériel qui lui avait servi pendant plus de 20 ans. Tous les aéroplanes, les hélicoptères, les tramways. les autos, les locomotives, les escaliers et les praticables, tout disparut.

MELIES QUITTE MONTREUIL

Le théâtre, lui aussi, dut fermer ses portes. En 1923. La famille Méliès quittait définitivement Montreuil-sous-Bois, La propriété fut vendue par lots, Le premier studio du monde subsista encore quelque temps et fut démoli en 1947, sans que rien ait été fait pour essayer de le sauver. Toutes les caisses contenant les films furent vendues à des marchands forains et disparurent. Méliès lui-même, dans un moment de colère, brûla son stock de Montreuil.En 1936, Méliès, désolé, disait : « Les jeunes n’ont rien connu du cinéma d’avant-guerre. Aussi ne connaissent-ils de ma production que quelques féeries provenant de la collection Dufayel qui ont survécu par hasard et qu’on a retrouvées il y a 4 ans. Et c’est pourquoi, tout en me couvrant d’éloges, ils me taxent souvent de naïveté, ignorant certainement que j’ai abordé tous les genres » .En 1924, il fut appelé à Sarrebrück par la direction des Mines de la Sarre. Il fut chargé de reconstituer tout le matériel d’un grand théâtre détruit par les Allemands lors de leur retraite. En cinq mois, il reconstruisit avec son fils toute la machinerie disparue et refit tous les décors.

A LA GARE MONTPARNASSE

En 1925, que faire ? Plus de maison, plus de théâtre : sa fille habitait avec son mari chez les parents de celui-ci, son fils logeait chez les parents de sa femme. il était las, seul, sans foyer et il avait 64 ans… Il retrouva alors une de ses anciennes interprètes, Jehanne d’Alcy, qui faisait partie du personnel du théâtre Robert-Houdin lorsqu’il l’acheta en 1888. C’était à l’époque une jeune veuve de 23 ans et sa petite taille, sa minceur l’avait fait engager pour tous les truquages et escamotages, car elle devait disparaître dans une cache très réduite. Elle interprétait « La Sibylle de Cumes », « La Fée des fleurs », « Le Calife », «1a Poupée de Nuremberg», qui étaient des scènes truquées à grande mise en scène. Elle joua tout naturellement dans les premiers films de Méliès et fut ainsi la première star du monde. Elle est morte en octobre 1956 à l’âge de 92 ans, attachée à faire rendre justice à Georges Méliès, à défendre son oeuvre et à faire rayonner sa gloire. Approchant de la cinquantaine, elle avait pu obtenir, en 1914, la gérance d’une petite boutique en bois située d’abord sur le trottoir, puis dans le hall de la gare Montparnasse. Elle y vendait des chocolats, des bonbons et des jouets. Elle avait réussi à dénicher un petit appartement donnant sur le square Jolivet, à deux pas de la gare, meublé de quelques objets rappelant sa splendeur passée. C’est là que Méliès vint la rejoindre et l’épousa le 10 décembre 1925. C’est à la Gare qu’il fut retrouvé par hasard par Léon Druhot qui passait. Il entendit quelqu’un qui appelait : « Monsieur Méliès». Il dressa l’oreille et demanda : « Seriez-vous parent avec Georges Méliès qui faisait du cinéma avant-guerre ? » – « Mais c’est moi-même », C’était en 1928, et c’est ainsi que la génération d’après-guerre apprit à connaître le nom et ce qui restait de 1’oeuvre de Méliès. Il n’était cependant pas totalement oublié dans la corporation cinématographique, puisqu’une lettre datée du 28 juin 1926 lui apprenait qu’il venait d’être nommé par acclamations premier membre d’honneur de la Chambre syndicale de la Cinématographie.

En 1930, la fille de Méliès décédait à 42 ans après une longue et cruelle maladie contractée en Algérie pendant une tournée théâtrale à Mascara et à Oran. Son gendre continuant sa carrière d’artiste lyrique, Méliès prit avec lui sa petite-fille qui vint, elle aussi, s’installer dans la boutique de jouets de la gare Montpamasse. Elle devait rester avec lui jusqu’à sa mort, et c’est la signataire de ces lignes. Durant toute l’année, il y avait l’école pour elle et le magasin pour ses grands- parents. Mais au mois de septembre, on fermait boutique, et en route pour la Bretagne ! On économisait pendant onze mois pour aller dans le plus grand hôtel de Trebeurden ou de Ploumanach mener la vie de riches rentiers. Pendant que ma grand-mère faisait la grasse matinée, mon grand-père m’accompagnait à la plage et surveillait mes barbotages tout en crayonnant sur un petit carnet de croquis qui tenait dans sa poche. Je ne l’ai jamais vu un instant inoccupé. Il fallait qu’il dessine, qu’il fasse des caricatures. Gare au moindre morceau de papier blanc : faire-part de décès ou de mariage, factures, et même mes cahiers de classe si j’avais le malheur de les laisser à portée de sa main !

A ORLY

En 1932, la Mutuelle du Cinéma permettait à Georges Méliès de terminer décemment sa vie, à l’abri des soucis, dans son Château d’Orly. C’est là qu’il recevait la visite de jeunes gens épris de cinéma, Langlois et Franju, créateurs de la Cinémathèque Française, Lo Duca, René Jeanne, Paul Gilson. Il écrivait ses Mémoires, des articles pour les journaux et de nombreuses lettres. Dans l’une d’elles, datée du 17 mai 1937, huit mois avant sa mort, il faisait remarquer: « Druhot a promis dorénavant d’observer l’ordre logique et chronologique : Lumière, Méliès, Pathé, Gaumont, Le dernier, venu au cinéma 3 ans après nous, et Pathé 2 mois 1/2 après moi. Et alors, voici qu’après bien des années, semble vouloir se réaliser la prophétie de Noverre qui écrivit à Coissac lorsque celui-ci fit, dans son Histoire du Cinéma, tant de courbettes aux grosses maisons: « Vous faites erreur en exaltant Pathé et Gaumont au détriment de Méliès à qui vous donnez la quatrième place. Il n’y en a qu’une, en bonne conscience, pour Méliès, après l’inventeur Lumière, et cette place c’est la première ». Attendons les événements… Je me place bien entendu au seul point de vue «satisfaction d’amour-propre », mais je crois bien que je verrai l’heure de la fameuse « justice immanente » arriver, si toutefois je ne fais pas la bêtise de claquer avant! ».

A Orly, Méliès continuait à dessiner et à peindre, plaisantait avec tout le monde. Aussi gai dans le malheur ou dans une situation modeste qu’au moment de sa splendeur et de ses succès, jamais un mot de regret ou d’aigreur ne sortit de sa bouche. Il aimait toujours autant les calembours et les jeux de mots. Toujours agile et souple, il sautait encore à pieds joints au-dessus d’une chaise, à 75 ans. Il jouait très bien du piano, sans être capable de lire une note de musique. Quand il était jeune, il faisait danser ses invités des nuits entières. Dans sa vieillesse, tout à coup, il disait à sa femme : – « Te souviens-tu de tel air dans « La Belle Héléne ? » (Offenbach était son compositeur préféré) ; et les voilà tous deux, à minuit, en train de chanter l’opérette… Heureusement qu’il n’y avait pas de voisins ! Mais cela gênait un peu la petite-fille qui devait aller à l’école le lendemain matin!

Un cancer devait l’emporter le 21 janvier 1938 à l’hôpital Léopold-Bellan à Paris. Il ne fut malade que trois mois, mais ses souffrances furent atroces. Il ne se plaignit jamais. Après une vie de labeur acharné, toujours captivé par son travail. habile à se servir de ses mains et de son esprit toujours en éveil, il avait trouvé le secret du cinéma : invention, mouvement, poésie. Il fut le seul des producteurs de la première heure à n’avoir pas fait fortune, mais il a fait ce que lui dictait son imagination.

Depuis son décès, il ne s’est guère passé d’années sans qu’une manifestation ou une cérémonie vienne rappeler son souvenir. Le petit cercle de ceux qui connaissaient son nom va en s’élargissant et il a maintenant atteint le grand public.

LE CENTENAIRE 1961

C’est depuis la célébration du centenaire de la naissance de Georges Méliès que les manifestations en son honneur se sont multipliées grâce, entre autres, à la création en 1961 de l’Association « LES AMIS DE GEORGES MELIES » (Président d’Honneur : M. René Clair, de l’Académie Française) et dont le but est de mieux faire connaître l’oeuvre et la vie de Méliès. C’est sous son égide, à partir de l’année du centenaire, que se sont déroulées dans le monde entier la plupart des manifestations importantes concernant Georges Méliès.

Si le monde entier a rendu justice à Georges Méliès, tous ceux qui l’ont connu, sans exception, l’ont aimé et admiré. On ne peut mieux faire, pour terminer cette petite présentation, que de citer Henri Jeanson qui a joué avec lui dans son théâtre : « Ebéniste, journaliste, peintre, photographe, escamoteur, illusionniste, mécanicien, écrivain, caricaturiste et poète,

Méliès inventa, avec ou sans préméditation, sous le double signe de la nécessité et du hasard, à la grâce du hasard et le plus naïvement du monde, le film en couleurs, le fondu enchaîné, la surimpression, le studio, le gros plan, l’accéléré, le ralenti, l’usage des caches et des maquettes, ainsi que mille et un truquages qui, depuis, ont enrichi les malins… Méliès était un Monsieur, un grand Monsieur qui, toute sa vie, resta un petit garçon ».

Madeleine MALTHETE-MELIES.
Avril 1961

这是机器人翻译的英文版,仅供参考:

6 thoughts on “乔治·梅里爱(Georges Méliès)

  1. 这个不是我写的,拿过来“备译”的。
    前两天我写过一个帖子,一部丹麦电影在法国受宠,不知你是否看过。在旧博客上。

  2. 你发上去的当天就看了,谢谢你的介绍。正在找这个导演的书看,呵呵,马上就有文章关于他的了。

  3. Pingback: Tamer Hosny
  4. Thanks to your visit, you can probably read the french, but i still fear that the Chinese could you prevent anyway. It’s a personal cinephilia blog, so welcome to you and any moviegoer./Je vous remercie de votre aimable visite, mais je crans aussi que le chinois peut probablement vous empêcher, c’est un blog d’un cinéphile, bienvenu à chaque movie fans, et bien sûr à vous.

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